Juin 06
05
installation pour lavoir
entrelacs des mots, d'après Zola
d'après les mots de Zola
"Un plein jour blafard passait librement dans la buée chaude suspendue comme un brouillard laiteux. Des fumées montaient de certains coins, s'étalant, noyant les fonds d'un voile bleuâtre. Il pleuvait une humidité lourde, chargée d'une odeur savonneuse, une odeur fade, moite, continue.
Des femmes, les bras nus jusqu'aux épaules, le cou nu, les jupes raccourcies montrant des bas de couleur et de gros souliers lacés, tapaient furieusement, riaient, se renversaient pour crier un mot dans le vacarme, se penchaient au fond de leurs baquets, ordurières, brutales, dégingandées, trempées comme par une averse, les chairs rougies et fumantes.Autour d'elles, sous elles, coulait un grand ruissellement, les seaux d'eau vidés d'un trait, les éclaboussures des battoirs, les égouttures des linges rincés, les mares où elles pataugeaient s'en allaient par petits ruisseaux sur les dalles en pente.
Elle avait trié le linge, mis à part les quelques pièces de couleur. Puis après avoir rempli son baquet de quatre seaux d'eau froide, elle plongea le tas du linge blanc; et, relevant sa jupe, la tirant entre ses cuisses, elle entra dans la boîte, posée debout, qui lui arrivait au ventre.
Les manches retroussées, montrant ses beaux bras de blonde, jeunes encore, à peine rosés aux coudes, elle commençait à décrasser son linge. Elle venait d'étaler une chemise sur la planche étroite de la batterie, mangée et blanchie par l'usure de l'eau; elle la frottait de savon, la retournait, la frottait de l'autre côté.
Tout le linge blanc fut battu et ferme! Elle le replongea dans le baquet, le reprit pièce par pièce pour le frotter de savon une seconde fois et le brosser.D'une main, elle fixait la pièce sur la batterie; de l'autre main, qui tenait la courte brosse de chiendent, elle tirait du linge une mousse sale, qui , par longues bavures, tombait. Alors, dans le petit bruit de la brosse, elles se rapprochèrent, elles causèrent d'une façon plus intime.